Gonzague de Blignières
Publié le 03-11-2008
Retrouvez régulièrement sur notre site internet une interview d'une personnalité de la finance.
Interview de Gonzague de Blignières - Président de Barclays Private Equity
Effectué en janvier 2008 par Sébastien GANET
Club des Jeunes Financiers : 1. La montée en puissance des fonds d’investissements en France, et particulièrement des opérations de LBO, est impressionnante. Comment expliquez-vous un tel phénomène ?
Gonzague de Blignières : D’un coté, en France, 700 000 entreprises ont commencé à changer de main, ou vont le faire d’ici quelques années. De l’autre, il y a un excédent spectaculaire, à l’échelle de la planète, de capitaux à placer. Entre les deux, il y a des banques d’affaires. Celles-ci proposent des solutions alternatives pour l’avenir de ces milliers d’entreprises. Entre d’une part, les cessions pures et simples à de grands groupes industriels, et d’autre part, des cessions en Bourse, il existe un moyen de garantir l’indépendance des entreprises tout en permettant l’intéressement des managers au pilotage de leur entreprise et en favorisant leur engagement. Les fonds d’investissements offrent une telle réponse en apportant les moyens nécessaires mais en ne restant que trois ou quatre ans au capital des entreprises concernées. S’il est vrai que le phénomène du LBO monte en puissance, les fonds d’investissements existent en France tout de même depuis vingt-cinq ans. Tout le monde reconnaît qu’ils sont des actionnaires crédibles et responsables.
2. Les LBO ne souffrent-ils pas d’une image trop « sulfureuse », non seulement auprès des salariés, mais aussi de certains professionnels économiques et financiers ?
Des craintes existaient en effet autour de l’image de fonds sans visage, en quelque sorte désincarnés. A cela s’ajoute le fait que nous n’avons pas assez expliqué les vertus des LBO. Les LBO permettent en effet un vrai partage de la valeur au sein de l’entreprise parmi ceux qui s’impliquent dans les projets de développement. De plus, les fonds d’investissements ont entrainé avec eux un nombre conséquent de créations d’emplois dans le secteur financier, non seulement dans les banques d’affaires mais aussi dans les métiers de l’audit stratégiques, juridiques etc. En France, 2200 entreprises sont sous LBO. Moins de 3% d’entre elles éprouvent de difficultés financières. Les dirigeants dont l’entreprise est sous LBO sont contents avec un partage de la valeur ajoutée qui s’opère de façon plus harmonieuse. A l’heure actuelle, lors des opérations que nous menons, nous conseillons de partager plus la valeur au sein du management.
3. L’élan du LBO, que vous décrivez, n’a-t-il pas été freiné par la crise des « subprimes » de l’été dernier ?
Clairement, oui. Pour des dettes supérieures à 200 millions d’euros, les banquiers sont devenus frileux. A la base, ils ont créé les CDO (*) pour déconsolider les dettes de leurs bilans. Des blocs de dettes bancaires sont ainsi vendus sur le marché. Ces dettes sont attachées aux opérations de LBO, mais aussi à l’immobilier ou aux produits de « subprimes ». Aujourd’hui, ces « véhicules » spéciaux (les CDO) se sont scratchés. Les gros investisseurs sont donc plus réservés pour en acheter. Par conséquent, les banques ont de plus en plus de mal à vendre leur CDO, ou elles le font à prix réduit. Par exemple, des paquets de dettes d’une valeur de 100 millions d’euros sont vendus à 90% de leur valeur. La crise des « subprimes » a donc impacté fortement le marché des titres de dettes, l’industrie du LBO s’en trouve ainsi ralentie.
4. Quelle en sera, selon vous, la conséquence ?
La conséquence sera une baisse des multiples de valorisation. Nous serons à des niveaux de 8 fois l’Ebit au lieu de 10. De plus, j’anticipe une baisse durable de l’effet de levier de 1 à 2 points l’Ebitda, du prix des transactions ainsi qu’une diminution du nombre de LBO secondaires. Par contre, les sorties en Bourse devraient augmenter en nombre, ce qui est une bonne formule pour les sorties de LBO. Pour cela, il est nécessaire qu’un certain nombre de verrous réglementaires soit levé.
5. Quel devrait être la tendance du recrutement dans l’industrie du capital-investissement ces prochains mois? Quels sont les profils recherchés ?
Il faut s’attendre à une petite pause des recrutements. Il y en a eu beaucoup depuis cinq ans. Le mouvement a concerné aussi bien les fonds de capital-investissement que d’autres secteurs liés directement ou indirectement comme l’audit, l’assurance, le conseil en management. Beaucoup de métiers ont ainsi été créés. Pour nous, le profil idéal concerne les formations financières avec une expérience de deux ou trois ans en audit. Les fonds recrutent essentiellement des gens de bons sens, avec une solide expérience en finance et des connaissances par exemple en affaires sociales, en fiscalité internationale…
Qui est Gonzague de Blignières ?
Gonzague de Blignières a débuté sa carrière au sein de la direction des opérations (1979-1980) et de la direction financière (1981) de la Banque Nationale de Paris. Après six années au sein de Banexi en tant que chargé de mission (1981-1987), il intègre Chaterhouse Associates SA en tant que Directeur Associé (1987-1992) tout en occupant le poste de Directeur Général au sein de Médiale Investissement (1990-1992). Gonzague de Blignières rejoint Barclays Private Equity France en tant que Directeur Général en 1992. Il est aujourd'hui Président de Barclays Private Equity France et Co-head de Barclays Private Equity Europe. Gonzague de Blignières préside l’association Paris Entreprendre et fût Président de l’AFIC du 20 juin 2005 au 20 juin 2006.
(*)CDO: Collateralised debt obligation
Titre de dette émis au travers d’un véhicule dédié, dont l’objet est souvent la sécurisation, lequel achète et détient des titres de dettes émis par des institutions financières ou des banques (collateralised bond obligation) ou des crédits bancaires (collateralised loan obligation). Les CDO permettent de rendre liquides des titres qui ne le sont que très peu. Les banques les utilisent pour se refinancer elles-mêmes auprès d’investisseurs acceptant d’endosser le risque d’un portefeuille de dettes.
Le captial-investissement en France
- La France : premier marché du Capital Investissement en Europe Continentale et le troisième au monde
- 240 sociétés de gestion, soit environ 3000 professionnels
- 50 milliards d'euros investis en 10 ans auprès de 10000 entreprises
- Plus de 10 milliards d’euros investis par les opérateurs français en France et à l'étranger en 2006
- 2400 investissements réalisés en 2006
- 1400 entreprises financées en 2006
- Près de 5000 entreprises en portefeuille
- Plus d'1.5 million d'emplois dans les entreprises soutenues par le Capital Investissement
- 60 000 emplois supplémentaires, soit plus de 4 % de croissance entre 2004 et 2005
- 199 milliards d'euros de chiffre d'affaires réalisé en France par les entreprises financées par le Capital Investissement, soit une croissance de 7% entre 2004 et 2005
- 327 milliards d'euros de chiffre d'affaires réalisé dans le monde par les entreprises financées par le Capital Investissement, soit une croissance de 8% entre 2004 et 2005
Source : AFIC, Association Française des Investisseurs en Capital http://www.afic.asso.fr/Website/site/fra_accueil.htm